Avec l'été qui s'achève, et Pitta qui s'est accumulé et aggravé, j'ai reçu cette semaine pas moins de 3 personnes atteintes du Syndrome du Colon Irritable. C'est l'occasion de revenir sur ce trouble avec un très bon article que j'ai traduit, adapté et publié ci-dessous avec l'autorisation de son auteur : « Irritable Bowel Syndrome: The Ayurvedic Approach », de Branislava Petric.
Le syndrome du côlon irritable (SCI) est un motif de consultation très courant de nos jours. Ce trouble gastro-intestinal est caractérisé par des douleurs abdominales, des diarrhées, de la constipation, une alternance entre diarrhées et constipation, des distensions abdominales, des ballonnements, des nausées et/ou la sensation de ne pas avoir complètement évacué les selles. Parfois, il peut également il y avoir des symptômes de brûlures d'estomac, des douleurs thoraciques et/ou une dysphagie (c’est-à-dire, un blocage des aliments solides dans le bas de l’œsophage). De plus, il peut aussi il y avoir des symptômes non gastro-intestinaux comme de la fatigue, de l'irritabilité, des maux de tête, de l'anxiété, de la dépression et même un dysfonctionnement urologique et gynécologique. Le SCI est donc habituellement défini comme « une douleur ou une gêne abdominale soulagée par la défécation ou associée à un changement de la fréquence ou de la consistance des selles, une distension abdominale, une sensation d'évacuation incomplète et un passage de mucus ».
On pense qu’environ 30% des personnes ont un SCI au cours de leur vie mais que moins de la moitié de celles-ci consultent pour ce motif. Le SCI touche tous les âges et tous les sexes, dans tous les pays, mais il est plus fréquent de l’adolescence à la quarantaine et chez les femmes.
Le SCI est un trouble fonctionnel, il ne s’agit pas d’un trouble infectieux. Il existe certainement un trouble des fonctions motrices et sensorielles du tube digestif.
Le stress est souvent considéré comme un facteur important de la maladie. Rien ne prouve qu'il soit la cause directe du SCI mais il peut très probablement conduire à une accentuation des symptômes. Plus de la moitié des personnes atteintes du SCI et qui consultent pour cela souffrent d'anxiété ou de somatisation sous-jacente. Ce qui n’est pas le cas pour celles qui ne consultent pas.
On constate aussi chez les personnes qui consultent la présence d’activités myoélectriques anormales dans le côlon et dans l'intestin grêle. Il existe là des différences entre les patients qui présentent des symptômes prédominants de constipation et ceux qui présentent des symptômes prédominants de diarrhée.
Une étude montre que les patients atteints du SCI ont souvent un seuil de douleur viscérale plus bas que les autres et que bien que de nombreux patients se plaignent de ballonnements et de distension, leur volume absolu de gaz est normal. De nombreux patients rapportent également des urgences rectales malgré un petit volume rectal de selles.
On remarque aussi que les personnes qui sont dans un état de stress important en début de gastro-entérite bactérienne présentent un risque accru de développer un SCI après l’infection. Il est alors possible de trouver des cellules inflammatoires dans la muqueuse, la sous-muqueuse et la couche musculaire des intestins.
Dans le SCI, la douleur abdominale est semblable à celle de crampes. Cette douleur est intermittente dans toute la région abdominale inférieure. La douleur apparaît souvent avec un changement de fréquence des selles et elle est généralement soulagée par la défécation. Ces symptômes n’apparaissent généralement pas pendant le sommeil. Les malades peuvent donc souffrir de constipation (selles 3 fois par semaine ou moins), de diarrhée sévère (selles fréquentes et molles plus de trois fois par jour, souvent avec présence de mucus), ou une alternance de constipation et de diarrhée.
Le diagnostic du SCI est basé sur une évaluation détaillée des antécédents du patient, un examen physique, des tests de laboratoire et d’autres tests nécessaires pour exclure d'autres maladies. Les symptômes doivent être présents au moins trois mois avant que le diagnostic ne puisse être posé. Il est important d'exclure d'autres maladies, en particulier les maladies graves et celles qui provoquent des diarrhées chroniques, surtout chez les plus de 40 ans. Chez les femmes en particulier, on doit pouvoir exclure l'endométriose.
Tout d'abord, on doit évaluer les antécédents alimentaires :
Les boissons caféinées ou les aliments et les boissons édulcorés au fructose ou au sorbitol peuvent provoquer des crampes, des ballonnements et de la diarrhée,
Un régime sans lactose doit être suivi pendant 3 semaines afin d'exclure toute intolérance au lactose,
La vie émotionnelle et sociale doit également être étudiée pour déceler d’éventuels symptômes comme le stress, les troubles paniques et/ou la dépression, symptômes qui sont souvent accompagnés de troubles gastro-intestinaux
L'examen physique est banal. Toute « bosse » dans l'abdomen, une hypertrophie du foie ou de la rate, ou des tests sanguins anormaux nécessitent une évaluation plus approfondie.
Pour soulager le SCI, qui n’est pas une maladie potentiellement mortelle, on devrait toujours expliquer aux malades le lien corps-esprit et leur indiquer les aliments qui peuvent favoriser ce trouble.
Le malade doit savoir que les aliments gras, la caféine, le fructose, le sorbitol, les légumineuses, les crucifères, les oignons crus, les raisins, les prunes, l'ail, et la bière augmentent les symptômes. Chez les patients qui souffrent de constipation, les aliments riches en fibres peuvent aider.
Les mesures pharmacologiques sont habituellement symptomatiques. Plus des deux tiers des patients atteints de SCI présentent des symptômes bénins. Les traitements médicamenteux concernent donc l’autre tiers. Les médicaments qui peuvent aider les malades qui présentent des symptômes sévères sont :
Les antispasmodiques et les anticholinergiques utilisés dans le traitement des épisodes aigus de douleur et de ballonnements. Certains effets secondaires des anticholinergiques sont la rétention urinaire, la tachycardie, la bouche sèche et la constipation.
Les anti-diarrhéiques généralement utilisés à titre préventif dans les situations de stress.
La supplémentation en fibres par un agent anti-constipation (psyllium ou son par exemple) peut être utile pour le traitement de la constipation mais peut augmenter la production des gaz intestinaux et les ballonnements. Le lait de magnésie peut augmenter la fréquence des selles et réduire la fatigue.
Les agents psychotropes sont bénéfiques pour les patients qui souffrent de douleurs et de ballonnements. De faibles doses de d’antidépresseurs tricycliques et d'anxiolytiques ne doivent être utilisées que dans les épisodes d'anxiété aiguë en raison du risque potentiel d'accoutumance.
Les agonistes des récepteurs de la sérotonine, qui augmentent la fréquence des selles, améliorent leur consistance, réduisent les douleurs abdominales et diminuent les ballonnements.
Les antagonistes des récepteurs de la sérotonine utilisés dans le traitement du SCI sévère avec diarrhée prédominante chez la femme.
D’autres méthodes thérapeutiques sont parfois utilisées. Parmi celles-ci, notons :
Différentes techniques de relaxation, le biofeedback et l'hypnothérapie qui peuvent être utiles à certains patients. Parfois, une évaluation par un psychiatre ou un psychologue est conseillée.
Les médecines alternatives comme la naturopathie, qui recommande souvent d’éviter les fruits à coque, l'alcool, la caféine et les épices hormis le gingembre, et de se complémenter en zinc, vitamine A, et huile d'onagre. L’huile essentielle de menthe poivrée est également parfois recommandée. La camomille, la valériane et le romarin produisent quant à eux des effets antispasmodiques.
Qu’en est-il de l’Ayurvéda ?
Dans les textes classiques ayurvédiques, les symptômes définis sous le terme Grahani ressemblent aux symptômes du SCI. Ceux-ci peuvent se produire en réponse à une mauvaise alimentation (alcool y compris), parce que l’on fait de l'exercice physique trop tôt après avoir mangé, parce que l’on force ou que l’on restreint ses besoins naturelles (mictions, selles, éternuements, bâillements, toux, …), par ce que l’on prend des médicaments chimiques, ...
Grahani est en fait une condition pathologique de l’appareil digestif, en particulier de l’intestinal grêle, qui un site de production d'enzymes digestives, d'absorption des nutriments et de libération de la masse d’aliments non digérée vers le gros intestin.
Le SCI est un trouble caractérisé par des mouvements anormaux du petit et du gros intestin et de nombreux facteurs peuvent influencer leur taux de contraction et conduire à une activité excessive de leur fonction. Le diagnostic ayurvédique du SCI est faite en recherchant quels sont les déséquilibres profonds qui sont à l’origine de cette motilité gastro-intestinale.
Le SCI existe depuis très longtemps et est mentionné dès les 1ers écrits ayurvédiques.
Les causes principales (Nidana) du SCI sont :
Des toxines (Ama) qui s'accumulent dans les tissus (Dhatus) bloquant la circulation dans les canaux (Srotas),
Une mauvaise alimentation, en particulier trop d'aliments lourds, la suralimentation, la consommation d'aliments inappropriés, la consommation de trop de liquides ou de liquides trop froids,
Une mauvaise digestion qui résulte de la consommation d'aliments inappropriés à des moments inappropriés ou de saut de repas,
Un déséquilibre du système nerveux,
Une accumulation de stress physique et mental,
Une diminution de l’immunité (Ojas faible),
Une perturbation du rythme biologique naturel,
Les signes et les symptômes (Rupa) décrits dans ces textes sont :
Tous ceux précédemment mentionnés (diarrhée, constipation, alternance entre les 2, gaz, distension et les douleurs abdominales),
De possibles signes de malabsorption sur la langue. La malabsorption correspond à un état de faiblesse de l'intestin grêle et peut être provoquée par tous les extrêmes alimentaires : aliments trop chauds ou trop froids, trop d'aliments sucrés, trop d’aliments mélangés, une alimentation trop irrégulière, une suralimentation ou trop de jeûne, et la malbouffe. Une alimentation inadaptée peut entraîner un déséquilibre du feu digestif (Agni).
Selon la littérature ayurvédique, les causes les plus importantes du SCI sont le déséquilibre du dosha Vata et un Ojas affaibli, causés donc par le stress et différents déséquilibres alimentaires. Un déséquilibre de Pitta peut s’ajouter à celui de Vata, mais un déséquilibre Vata est toujours en cause et est majoritaire dans le SCI.
On remarque aussi une intolérance alimentaire (produits laitiers ou céréales) chez 33 à 66% des personnes atteintes du SCI.
Dans le SCI de type purement Vata, Vata s'accumule et s'aggrave dans les Purishavaha Srotas (le côlon) et déborde dans Rasa et Rakta Dhatus (le plasma, la lymphe et le sang). Il se réimplante dans l'intestin grêle où il déséquilibre Samana Vayu et Agni. Les symptômes ressentis sont alors des gaz, une distension abdominale, une malabsorption et une alternance de diarrhées et de constipation. Si Vata se réimplante aussi dans Mamsa Dhatu, cela produit des crampes intestinales. Si une hygiène de vie inadéquate perturbe le flux dans les Manovaha Srotas (canaux du mental), l'esprit devient instable et le malade peut alors ressentir de l'anxiété et de l'inquiétude.
Dans le SCI de type Vata/Pitta, Pachaka Pitta s’accumule et s’aggrave dans l'intestin grêle où il provoque une indigestion brûlante et des selles molles. Il déborde ensuite vers Rakta Dhatu (le sang) où il déséquilibre Ranjaka Pitta, ce qui provoque une augmentation de la température corporelle. Puis, Pitta se réimplante aussi dans l'esprit, ce qui déséquilibre Sadhaka Pitta et provoque de la colère. Tout ceci s’ajoute à ce qui est décrit pour le type de SCI Vata.
Le déséquilibre du dosha dominant perturbe la sécrétion enzymatique et le résultat est la sécrétion d'entérotoxines. Celles-ci provoquent une acidification du bol alimentaire qui endommage les muqueuses des intestins. Apana Vayu, la force qui permet entre autres l'évacuation du contenu de l'intestin, est alors déséquilibré. L'excès de mucus que l’on peut retrouver dans les selles est un symptôme très fréquent et il n'est pas lié à une lésion des muqueuses, mais il peut être lié à des hyperactivités cholinergiques. La douleur abdominale chez les patients atteints du SCI est probablement causée par des contractions anormalement fortes des muscles lisses intestinaux ou par une sensibilité accrue de l'intestin à la distension.
Certaines publications ayurvédiques indiquent donc qu'il existe deux types différents de SCI (Vata et Pitta/Vata), d'autres indiquent qu'il en existe quatre, voire six :
Type de SCI Vata avec : sécheresse de la peau et des muqueuses, constipation ou alternance de constipation et de diarrhées, sensation de froid, soif, ballonnements, réveils nocturnes, anxiété, et perte de poids.
Type de SCI Pitta avec : sensation de chaleur, soif, brûlures d'estomac, diarrhées, irritabilité, colère, transpiration, inflammations, fièvre et selles nauséabondes.
Type de SCI Kapha avec : nausées, indigestion, lourdeur dans la poitrine et dans l'abdomen, éructations nauséabondes, mucus dans les selles, intestins paresseux et léthargie générale.
Type de SCI tridoshique ou complexe avec des symptômes combinés de tous les types ci-dessus.
Type de SCI bruyant où l’abdomen fait beaucoup de bruit et où l’on retrouve des particules alimentaires non-digérées dans les selles. Il s’agit également d’un SCI chronique.
Le diagnostic ayurvédique s’attache à déterminer quels doshas sont impliqués dans le SCI du malade. On aura pris soin de prendre l'historique détaillé des symptômes, du mode de vie et des habitudes de la personne.
Soigner un SCI est souvent difficile et prend du temps. Selon l'Ayurvéda, les enfants peuvent en guérir, mais il est difficile à traiter chez les patients d'âge moyen et généralement incurable, même si on peut en soulager les symptômes, chez les patients plus âgés. Les types chroniques de SCI sont toujours très difficiles à traiter.
La chose la plus importante dans la thérapie ayurvédique consiste à réduire le stress. On peut pour cela méditer, pratiquer des Pranayamas (exercices de respiration), pratiquer des Asanas (postures de yoga), s’aider de l’aromathérapie, de la lithothérapie et/ou de la chromothérapie, ou se faire (faire) des massages.
La Dinacharya (routine quotidienne) est importante, surtout dormir et manger à horaires réguliers et éviter les situations stressantes. En général, et comme très souvent, un mode de vie sattvique (qui promeut le calme et la tranquillité d’esprit) doit être suivi. Le praticien en Ayurvéda doit donc donner des conseils sur le mode de vie à adopter.
Tout comme l’alimentation, la phytothérapie préconisée doit être adaptée au type de SCI.
Pour le SCI de type Vata, les formules toniques pour l’appareil digestif comme le Chitrakadi Vati et le Shankha Vati sont bénéfiques. On peut les combiner avec une prise de ghee médicinal au Dashamula. Les décoctions de Triphala sont également bénéfiques sur le long terme.
1 cuillère à soupe d’Hingashtak Churna, mélangée à 1 cuillère à café de ghee peut être consommée deux fois par jour, en la faisant suivre d’un verre d'eau chaude, pour lutter contre les flatulences.
L’Ashwaganda est utile en tant que tonique nerveux. Le Shankapushpi et le Jatamamsi sont utilisés en cas d'anxiété et d’insomnie.
La noix de muscade lutte contre la malabsorption, les crampes et la diarrhée de type Vata. Les carminatifs, comme l'ase fétide et le gingembre, luttent contre les distensions abdominales et les gaz intestinaux.
Le gingembre, le fenouil, le clou de girofle et la cardamome stimulent la digestion et l'absorption et permettent d’éliminer Ama du système digestif.
Une alimentation plus légère qu’à l’accoutumée est conseillée dans le traitement du SCI de type Vata. Les aliments comme le pain, le fromage, la viande rouge et les aliments froids, durs, secs et crus doivent être évités. Un jeûne léger, à base de soupes et/ou de Kitcharee, est conseillé. Le Takra, qui est à moitié babeurre, moitié eau, baratté avec de l'ase fétide, du sel gemme et du cumin est un excellent astringent digestif et il améliore la consistance des selles. Il contient des bactéries Lactobacillus, qui aident à restaurer la flore normale des intestins. L'huile de sésame peut être utilisée dans l’alimentation comme en massage ou en lavement.
Dans le type de SCI de type Vata-Pitta, il est encore plus important est de gérer l'esprit en parallèle du système digestif.
Les émotions Pitta comme la colère peuvent être atténuées par des plantes nervines rafraîchissantes comme le Shankhapushpi et Gotu Kola. Le ghee médicinal au bois de santal est efficace pour apaiser Pitta. Le curcuma, le Guduchi et le Shatavari sont conseillés pour calmer ce type de SCI.
On utilise également des plantes et des aliments amers qui rééquilibrent les flux dans les Annavaha Srotas et qui normalisent Rakta Dhatu. Pour cela, l'aloé vera est toute indiquée, car elle possède la qualité Humide et a peu de risque de déséquilibrer plus Vata si elle est consommée raisonnablement à court terme. La prudence reste tout de même de rigueur en raison de son effet laxatif. Une utilisation sur le long terme, malgré sa qualité Humide, pourrait entraîner une sécheresse de l’appareil digestif.
Les framboises rouges sont un exemple de fruits astringents qui peuvent être utiles contre diarrhée de type Pitta.
Le fenouil, la coriandre et la cardamome sont d'excellents détoxyfiants qui vont réguler le feu digestif dans ce type de SCI.
Les aliments sucrés, amers et astringents sont conseillés dans ce type de SCI. Le même principe général de consommer des aliments et des plats légers et faciles à digérer (soupes de légumes, Kitcharee et Takra avec épices adaptées) sont applicables ici aussi. Il est très important d'éviter les aliments gras et frits.
Dans les types de SCI chroniques, on préconisera une thérapie de tonification, et on mettra l’accent sur l’emploi du Bala et du Shatavari.
D’une manière générale, les personnes qui souffrent de SCI devraient :
Augmenter leur consommation de fibres alimentaires,
Rétablir l'équilibre de leur flore intestinale,
Identifier et éliminer toute intolérance alimentaire,
Suivre une thérapie corps-esprit, garder en tête une vision holistique de la maladie,
Suivre une routine quotidienne,
Apprendre non seulement ce qu'est une alimentation correcte dans leur cas, quels aliments consommer, comment les préparer et comment les associer.
Le SCI reste un défi pour tout professionnel de la santé car il combine de multiples facteurs. Heureusement, ce trouble ne met pas la vie des malades en danger, bien qu’il puisse la rendre très difficile. Il est important que les praticiens et les malades sachent que la guérison, quand elle est possible, peut prendre du temps.
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